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Champ planet'terre Aides agricoles : les céréaliers ne voient pas l’avenir sans elles

Le Farm Bill aux Usa, la Pac dans l’Union européenne : l’agriculture des deux premières puissances économiques mondiales repose sur des politiques agricoles ambitieuses et des soutiens publics importants. James Jensen, farmer dans le Minnesota et Marc Van Coillie, agriculteur picard, expliquent l’enjeu de ces soutiens pour produire et, surtout, pour assurer la pérennité de leur activité. Un article extrait de Terre-net Magazine n°3.

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Selon James Jensen, « pour profiter au mieux des aides
américaines à l’agriculture, il faut être un bon gestionnaire ».
(© DR)

 

Aux Usa

James Jensen, céréalier dans le Minnesota et directeur d’un centre de gestion agricole

« Avec 66 $/ha, les soutiens sont généreux »

« Aux Etats-Unis, avec 400 hectares, je suis pluriactif comme la majorité des farmers. Cela nous assure, ma femme Monique et moi, un revenu minimum et surtout, cela nous permet de ne pas emprunter les mauvaises années pour vivre. Il faut en effet plus de mille hectares pour ne vivre que de son exploitation. Or, comme le foncier est cher, posséder une exploitation de cette dimension suppose d’avoir hérité d’une grande partie de celle-ci, ce qui n’est pas mon cas.

L’année 2010 aura été bonne même si, en maïs, nous avons longtemps douté du niveau de rendement que nous allions obtenir (selon les parcelles, les rendements ont varié de 55 à 130 q/ha). Entre le foin, le soja et le maïs, nous réalisons cette année 365.000 $ (environ 282.000 €) (1) de chiffre d’affaires et estimons notre résultat à 128.000 $, malgré les faibles rendements en foin. Le maïs aura été vendu, de juillet à novembre, entre 4,40 et 5,40 $ le boisseau ( environ 134 à 164 €/t ).

Liberté d’activer ou non les aides


Aux Etats-Unis, il faut plus de mille hectares
pour ne vivre que de son exploitation. (© DR)

Nos aides se limiteront cette année aux 10.000 $ de « direct payements » (voir le lien à la fin de la double page vers l’article de Terre-net.fr, présentant les différentes aides américaines). Comme la campagne 2010 s’est déroulée sans incident climatique majeur et que les cours sont élevés, les autres dispositifs de soutiens publics ne seront pas déclenchés (aides contra-cycliques, marketing loans, disaster payments et assurance récolte).

En revanche, les montants des subventions pour la distillation de maïs en éthanol ne changent pas (celles-ci sont en partie versées par les états), comme les bonus sur le prix du grain vendu liés à la proximité des usines de transformation.

Le système de soutiens publics est compliqué aux Usa. Mais il est conçu de telle manière qu’il laisse souvent à l’agriculteur la liberté d’activer ou non les dispositifs d’aides à sa disposition. Par exemple, les années de crise, le farmer fixe le niveau plancher auquel il est judicieux de déclencher et de percevoir les « marketing gains » (ou loan deficiency payments). Et ensuite, en fonction de la remontée des cours durant la seconde partie de la campagne, il peut vendre sa récolte au moment qu’il juge le plus opportun. Ces aides sont cumulatives : une même récolte peut bénéficier des aides contra-cycliques et des « marketing gains ».

Par le passé, lorsque les prix n’étaient pas au rendez-vous ou en cas d’accidents climatiques, ces différents dispositifs m’ont été attribués. Les aides contra-cycliques ont été octroyées en 2003, 2005 et 2006. Au cours des 14 dernières années, nous avons touché à quatre reprises des « disaster payments » pour 72.000 $ dollars au total. En 1999, 68.000 $ de « marketing loans » m’ont été versés.

Aux Usa, les soutiens profitent entièrement aux farmers


« Gérer le risque et vivre avec des revenus aléatoires
sont inhérents à notre métier. Mais pour s’en sortir, il est
crucial de maîtriser le fonctionnement des marchés
agricoles », explique James Jensen. (© DR)

Le système d’assurance américain masque indéniablement certaines subventions cachées même si, ramenées à l’hectare, les sommes en jeu sont faibles. Les soutiens que j’ai perçus ces 14 dernières années sont colossaux : ils atteignent 419.000 $, sans compter les aides éthanol et l’assurance récolte pour 400 ha. Mais à l’hectare, cela ne fait que 66 $ environ. En France, la moyenne tourne autour de 300 € pour des revenus pas forcément plus élevés !

Au final, les soutiens à l’agriculture sont généreux aux Usa. Ils profitent entièrement aux farmers, non aux intermédiaires comme les aides Pac. Lesquelles rendent les agriculteurs européens dépendants alors qu’elles bénéficient en grande partie à l’amont et à l’aval de la filière. A travers une politique de prix judicieuse, ces intermédiaires perçoivent en effet, de manière déguisée, une partie des soutiens publics au détriment des producteurs. »

(1) 1$ équivaut à environ 0,772 €


En France

Marc Van Coillie, céréalier en Picardie et directeur de Satplan (1)

« Les aides ne pallient pas l’absence de régulation des marchés »

« Des prix rémunérateurs sont préférables à des aides. Mais la volatilité des marchés rend ces dernières incontournables, même si elles ne pallient pas l’absence d’outils performants de régulation des marchés. En 2009, avec des prix en berne, les aides n’étaient même pas suffisantes pour équilibrer les comptes de mon exploitation. Et je n’étais pas le seul dans ce cas.


Selon Marc Van Coillie, le découplage des
aides ne favorise pas la prise de risque. (© DR)

Le découplage des aides est un système très confortable et sécurisant car les montants sont garantis. Mais il est vrai qu’il ne favorise pas la prise de risque et le souci de gérer « serré » son exploitation. Aux Etats-Unis, les dispositifs de soutiens à l’agriculture du Farm Bill, décrits par James Jensen, semblent salutaires. Il est en effet difficile d’expliquer, à l’opinion publique française, que les exploitants pourraient continuer à toucher des aides indépendamment du niveau des cours, surtout quand ces derniers atteignent des sommets.

 

Le Farm Bill responsabilise l’exploitant

Par ailleurs, le Farm Bill implique et responsabilise l’exploitant en l’obligeant à adopter une stratégie de commercialisation et à opter pour des systèmes d’assurance et de couverture. Des outils de gestion encore trop peu répandus en France, mais pourtant indispensables pour légitimer les aides à l’agriculture.

En Europe, il sera difficile de maintenir le système d’aides actuel en l’état après 2013, surtout si la tendance haussière des prix agricoles se confirme à moyen et long termes. Alors, se posera la question de savoir si le niveau des prix des produits agricoles permettrait, aux céréaliers, de s’affranchir des aides.

En fait, la profession agricole devra se battre pour les maintenir : elle devra les rendre plus équitables entre éleveurs et céréaliers, tant qu’il n’y aura pas de systèmes fiables et efficaces de régulation des marchés. »

(1) Société de services agricoles informatiques et Gps embarqués par satellite

 

A lire aussi : Les aides américaines à l'agriculture 

 

Cet article est extrait de Terre-net Magazine n°3. Si vous ne l'avez pas reçu chez vous, retrouvez Terre-net Magazine en ligne en cliquant ICI.

 


(© Terre-net Média)

 

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